Quels termes éviter pour réduire les risques d’un contrat d’ingénierie ?
On communique beaucoup sur nos succès. Ici, je vais vous parler d’un échec causé par l’enthousiasme. On y croit, on veut l’affaire, on signe, et c’est le début des ennuis .
Vous est-il déjà arrivé de froncer les sourcils devant telle ou telle clause ? Vous a-t-on déjà rassuré avec : « Cette clause est standard, mais on ne l’applique jamais. Surtout pas avec vous. » ? Ça m’est arrivé, je l’ai cru car nous étions confiants et voulions gagner l’affaire. Alors on se persuade que tout va bien se passer, et à la fin on regrette… Tout ça parce que des termes du contrat étaient ambigüs.
Deux facteurs sont très importants : les termes eux-mêmes, avec leur degré d’ambiguïté, l’intention des parties au moment de la signature.
Alors comment fonctionne le piège de l’ambiguité ? Et comment s’en prémunir ?
Une exigence est ambigüe si deux personnes peuvent la comprendre différemment. Dans notre cas, le projet a échoué à cause du jargon utilisé : « Le client fournira tous les éléments du basic design au démarrage du projet » (je simplifie). Nous avions accepté cette formulation en nous basant sur notre propre interprétation, à savoir une spécification fonctionnelle des sous-systèmes. Or notre client nous a fourni, en toute bonne foi, des schémas de principe avec des boites et des flèches. Le projet a été abandonné plusieurs mois plus tard, faute de se mettre d’accord sur une limite de fourniture.
En France, les tribunaux s’appuient sur la « commune intention des parties ». Autrement dit, il est difficile de défendre une autre interprétation que celle qui vous a poussé à signer ! Aux États-Unis, on distingue les ambiguïtés « patentes » et « latentes ». De manière intéressante, les premières sont considérées si évidentes qu’il est de la responsabilité du fournisseur de les clarifer avant de s’engager. Alors que les secondes sont plus subtiles et seront au contraire interprétées en sa faveur.
Quelles leçons en tirer ?
Bannir le jargon technique et revenir à une base précise, testable, avec des exemples. Éviter les termes comme « optimal », « suffisant », « état de l’art », « conforme aux usages », « meilleurs efforts ». Ils s’invitent quand le client ne sait pas décrire ce qu’il veut. Les accepter est une quasi-garantie de désaccord sur le livrable. Au contraire, il faut détailler les attendus et exigences le plus tôt possible. Soit avant la signature, soit juste après à condition d’avoir négocié un point d’arrêt ultérieur.
Avoir un dialogue approfondi avec son client au moment de la négociation. Partager nos intentions, questions, doutes, forces et certitudes. Questionner beaucoup ! Il y a beaucoup d’humain là-dedans, car on s’éloigne du formalisme contractuel. La confiance reste la base du commerce. Malheureusement, ce n’est pas toujours possible, surtout dans les marchés publics.